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L'un des plus beaux poèmes d'Hugo à mon sens.
Il n'avait pas son pareil pour parler de la misère, de l'injustice et de la lâcheté du patronat et de l'état...
Melancholia
Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu’on voit cheminer seules ?
Ils s’en vont travailler quinze heures sous des meules ;
Ils vont, de l’aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison le même mouvement.
Accroupis sous les dents d’une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l’ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Ils travaillent. Tout est d’airain, tout est de fer.
Jamais on ne s’arrête et jamais on ne joue.
Aussi quelle pâleur ! La cendre est sur leur joue.
Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las.
Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas !
Ils semblent dire à Dieu : — Petits comme nous sommes,
Notre père, voyez ce que nous font les hommes ! —
Ô servitude infâme imposée à l’enfant !
Rachitisme ! travail dont le souffle étouffant
Défait ce qu’a fait Dieu ; qui tue, œuvre insensée,
La beauté sur les fronts, dans les cœurs la pensée,
Et qui ferait — c’est là son fruit le plus certain ! —
D’Apollon un bossu, de Voltaire un crétin !
Travail mauvais qui prend l’âge tendre en sa serre,
Qui produit la richesse en créant la misère,
Qui se sert d’un enfant ainsi que d’un outil !Victor Hugo (1802-1885), Les Contemplations
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Un âne besogneux
asservi aux basses oeuvres
rêvait mets somptueux
cherchant par quelle manoeuvre
il pourrait modifier sa triste condition.
Envieux il apprenait avec grande ambition
du chien le compagnon de son maître cruel
la meilleure façon d'attirer les caresses
afin de mieux emplir sa modeste écuelle
afin d'être considéré l'égal d'une papesse.
Notre assidu compère
au bout de maints essais
un jour se sentit prêt
chargea avec émoi son maître, pauvre ère
lui écrasant les côtes de ses deux gros sabots
tandis qu'autour de lui s'effondrait la chimère
insultes et coups pleuvant, pour finir au cachot.
Quelle belle condition fut celle -là enfin
de servile bestiau à prince des coquins.
Ainsi,
Jamais ne faut se prendre pour qui l'on ne sera
Cela n'est pas en vain que l'on dit "bête comme âne"
D'un nigaud empesé jamais l'on ne fera
Un roi, une belle âme.Lillycorne
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Le singe et la grenouille
Au nord de la Gironde loge belle grenouille
Qui l'eau du fleuve veut changer en hypocras
Elle se met à creuser, laissant terre en fatras
Utilisant, habile, la pointe d'une quenouille
Un singe débonnaire que la question chatouille
lui demande poli : Pourquoi tous ces plâtras ?
_ C'est que je dévie l'eau du fleuve vers Coutras
Avant je la buvais mais cela me barbouille
Aujourd'hui je charrie, n'en déplaise aux cagots
_Et vous le faites bien, répond le vieux magot
Vos efforts conjugués valent bien une danse !
Du batracien idiot, tel un chardonneret,
Notre malin compère au détour de chaque manse
Chante fourbes louanges, moqueur et guilleret !
**sonnet avec rimes finales obligatoires (Ce sont les rimes que fournit le prince de Condé à Molière ...)
grenouille , hypocras , fatras , quenouille
chatouille, plâtras , Coutras, barbouille
cagot , magot, danse
chardonneret, manse, guilleret
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Rêver, ça sert à croire le contraire
Chanter ça sert à filer la laine
Danser, ça sert à polir les cailloux
Crier, ça sert à colorer le ciel
Rire, ça sert à dominer le monde
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Il fut une fois, une brindille.
Cette brindille chétive et larmoyante de rosée s'étirait vers le ciel.
Une main d'enfant s'avançait, molle, pour l' "encueillir."
Le chat fut plus rapide et de ses crocs agiles, coupa l'herbe sous la main
du gamin médusé.
C'est toi ! S'écria l'enfant.
Ce furent ses premiers mots.
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La grande nuit bleuissait le silence accroupi,
Sous un arbre feutré,
un écureuil régnait dans les branches opaques.
Le ciel respirait l'aurore encore.
Des touffes de peur soufflaient sur une silhouette molle
se découpant, fendue, sur la steppe frivole.
Les pas étoilés des oiseaux se taisaient, enfin.
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La merveilleuse Andrée Chedid...
L'espérance
J'ai ancré l'espérance
Aux racines de la vie
Face aux ténèbres
J'ai dressé des clartés
Planté des flambeaux
À la lisière des nuits
Des clartés qui persistent
Des flambeaux qui se glissent
Entre ombres et barbaries
Des clartés qui renaissent
Des flambeaux qui se dressent
Sans jamais dépérir
J'enracine l'espérance
Dans le terreau du cœur
J'adopte toute l'espérance
En son esprit frondeur.
Andrée CHEDID
(Poème publié dans l'anthologie Une salve d'avenir. L'espoir, anthologie poétique, parue chez Gallimard en mars 2004)
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Quatre d’une sorte
Quatre lunatiques
dont la terre avorte
Quatre hérétiques
branches hermétiques
Fêlures crevant le gris
Fantasques silhouettes
Étranglées par le gui
D’une beauté muette
Quatre d’une sorte.
Lillycorne
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Vie ô
Cette pluie de lumière
Sur ces arcs romans
grisés de fins lichens
Comme pour conjurer
ce temps qui assassine
La blancheur des pavés
Cette fleur minuscule
Qui s’élance et s’élève
En un souffle de sève
Avant de se faner
sur le doux monticule
de feuilles assemblées
Telles les barreaux de fer,
rongés et abîmés,
les pousses fines et fières
défient l’éternité
Sans jamais présumer
De son emprise altière
Lillycorne
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Ô Temps
L’éternité en cage
pour seul paysage
Ô temps suspends les heures
que l’aube claire colore
d’une langueur monochrome
Ô temps suspends les gestes
fais se joindre les mains
en une prière céleste
Bien avant que demain
ne vienne à nous, funeste
Ô temps suspends ton joug
Sur les si jeunes âmes
Vois cette blanche joue
Et ce coude ajouré
Ne laisse pas peser
ton empreinte diaphane
A mes tempes résonnent
les vers fatidiques
du poète maudit…
**« Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c'est la loi.
Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi !
Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide. »
**Baudelaire L’horloge
Lillycorne
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Eternité
Au détour d’une allée
Une rangée de pierres bleues
mâtinée d’ herbes vertes
laisse entrevoir lavis
de couleurs apaisantes
puis surgissent les noms
les épitaphes longs
d’illustres inconnus
Parfois ce bleu de cyan
en teinte les vitraux
Cernés par des linteaux
Ciselés par les hommes
Ces terribles caveaux
Recueillent en leur sein
Des pères et des mères
Des frères et des sœurs
amoncelant la somme
d’éternels lendemains
Lillycorne
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